Invalide au front: Lettre au premier ministre
Monsieur le Premier Ministre,
Appauvrie par une réduction de près du quart de ma maigre rente de retraite du Régime de rentes [RRQ], et portée par le courage du groupe citoyen Les Invalides au front, je reprends ma plume pour en appeler à nouveau à votre compassion et à votre empathie et vous demander de faire la bonne chose en 2024, en mettant fin à cette injuste pénalité pour les gens en situation de handicap et d’invalidité.
Tant de rendez-vous ont été manqués ces derniers mois.
À la fin juillet 2023, le Tribunal administratif du Québec [TAQ] a rendu une décision historique déclarant inapplicable deux articles du RRQ « dans la mesure où ils portent atteinte au droit à l’égalité […] fondé sur des déficiences physiques ou mentales », et contreviennent à la fois à la Charte canadienne des droits de la personne, ainsi qu’à celle du Québec.
La communauté journalistique s’est alors saisie de notre cause, la faisant connaître et l’appuyant plus d’une fois en mots à peine couverts.
Est-il nécessaire de rappeler que le Québec se révèle la seule province canadienne à imposer une telle pénalité aux personnes en situation d’invalidité et que le Régime de rentes se montre en excellente santé financière ?
Puis est apparu le nuage noir de septembre, votre gouvernement portant en appel le jugement du TAQ.
À la fin octobre, les députés de trois partis de l’opposition, Linda Caron, porte-parole de l’opposition officielle pour les aînés, Haroun Bouazzi de Québec solidaire, et Joël Arseneau du Parti québécois, ont uni leur voix et vous ont tendu la main, vous enquérant de reconsidérer la décision d’en appeler du jugement et de modifier la loi afin de faire cesser cette sérieuse injustice.
Entretemps, nos appuis n’ont cessé de se multiplier. Des organisations de personnes aînées et retraitées ont pris la parole, la FADOQ, l’AQDR et l’AQRP, se joignant à notre groupe citoyen et à de nombreux regroupements de personnes handicapées, la COPHAN, le RAPLIQ, Moëlle épinière et motricité Québec […], mais aussi, des syndicats de travailleuses et de travailleurs, des organismes de lutte contre la pauvreté et des groupes de femmes.
Un projet de loi porteur d’espoir
Finalement, le 23 novembre, Linda Caron a présenté un projet de loi (690) afin de corriger cette iniquité envers les retraités invalides. Et peu avant Noël, le projet de loi a été appelé pour débat.
Mme Caron a réalisé un vibrant plaidoyer, défendant son projet de loi avec cœur et compétence. L’insensibilité qui s’est ensuivie de la part de votre gouvernement s’est toutefois avérée très décevante.
Des phrases répétitives, un ton déconnecté de notre réalité, des arguments qui ne tiennent pas la route… nous dire que l’argent n’y est pas… ou référer à votre nouveau calcul en 2024.
Pourtant, en février 2023, et selon vos propres chiffres, la marge de manœuvre au sein du Régime vous amenait à proposer le report de la retraite à 62 ans au coût de 192 millions. Comme votre suggestion a été rapidement rejetée, cette marge n’est-elle pas toujours disponible et ne permettrait-elle pas de mettre fin à la pénalité jugée discriminatoire en situation d’invalidité ? On parle ici d’un débours d’au maximum 180 millions.
Et votre nouvelle façon de faire qui entrera en vigueur dès ce mois de janvier, un non-choix faisant perdurer la pénalité, qui n’aurait selon vos dires plus de lien avec l’invalidité. Dans les faits, il s’agit plutôt d’une coupure de la partie variable de l’invalidité à 60 ans, qui forcera les personnes aînées invalides à retirer leur rente de retraite avec une réduction actuarielle, une rente déjà si amincie par l’arrêt prématuré de leurs cotisations… Croyez-vous vraiment qu’on puisse survivre pendant cinq ans avec aussi peu que 583,29 $ par mois pour éviter une pénalité ?
Notre souhait en 2024 est que vous marquiez l’histoire pour les bonnes raisons en protégeant des aînés parmi les plus vulnérables de notre société.
Nous vous invitons à prendre le temps de vous attarder aux nombreux témoignages que nous vous avons fait parvenir au cours de la dernière année. Notre si grande difficulté à joindre les deux bouts, nos états de santé fragilisés, nos limitations sévères et permanentes, nos immenses défis au quotidien, mais aussi, notre courage, notre résilience et notre détermination à obtenir justice !
Vous pouvez poursuivre les débats sur le projet de loi 690 dès la reprise des travaux à l’Assemblée nationale et le faire cheminer jusqu’à son adoption. Vous aideriez ainsi des personnes qui en ont tellement besoin.
En cette nouvelle année, allez-vous saisir cette occasion de tracer la voie de la dignité pour les personnes aînées en situation de handicap et d’invalidité ?
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